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Au cœur de l’arène avant le rendez-vous d’une vie

Les lutteurs ont pris possession hier de leurs quartiers à Berthoud. Une enceinte gigantesque, des spectateurs en flots continus, des sponsors et médias omniprésents. Prise de température avec les Gruériens qui luttent ce week-end.

PAR KARINE ALLEMANN

«Hey les Romands, vous venez d’où? La Gruyère? Ach... pas tellement de chance ce week-end.» A ce visiteur alémanique qui l’apostrophe dans les travées de la place de f�te, Guillaume Remy sourit poliment. «Bah, on verra bien.» Le bûcheron de Riaz et ses quatre potes lutteurs poursuivent leur promenade. Ils sont arrivés à Berthoud dans l’après-midi. Avant le rendez-vous de 17 h dans l’immense Emmental Arena, pour une photo du Team Romandie au complet, le Riazois, Simon Brodard, Augustin Brodard, David Barras et Johann Borcard ont le temps de bavarder un peu.
«On est contents d’�tre arrivés. Jusqu’au départ depuis La Roche, c’était vraiment le stress.» Les cinq Gruériens l’assurent: pas de fourmillement dans le ventre, pas d’arythmie cardiaque ni de cauchemars à l’idée qu’ils vont pénétrer, samedi, le centre d’une arène où se masseront 52000 personnes. «Cette semaine, j’en ai quand m�me r�vé deux fois», sourit Augustin Brodard, dont c’est la première fédérale, à 19 ans.
Le trac, les amis pensent le ressentir au moment de l’entrée des lutteurs, samedi matin vers 7 h 30. «A Frauenfeld, c’était bien. Il y avait tellement de brouillard qu’on ne voyait rien», se souvient Guillaume Remy. Johann Borcard, lui, ne passera pas inaperçu. C’est sur le rond 7, le rond de la télévision, qu’il luttera en première passe face à Joël Wicky. Le lutteur de Suisse centrale n’est autre que le vainqueur 2012 de la F�te fédérale des jeunes.


A la dernière minute
Simon Brodard, qui était de la f�te en 2010, n’a appris sa sélection que la semaine dernière, après la blessure d’un des 27 lutteurs romands qualifiés. «J’avais assez mal vécu le fait d’�tre écarté, avoue l’agriculteur menuisier de La Roche. Parce que, dans ma t�te, ça faisait depuis cet hiver que je pensais à cette Fédérale.» Le Rochois a-t-il ressenti un coup de blues après son éviction? «Non, mais de la rage pour faire tout ce qu’il faut pour devenir le remplaçant numéro un.»
La couronne fédérale, les cinq Gruériens n’y songent pas. Ou alors pas trop… Ce qu’ils espèrent, c’est de pouvoir lutter le dimanche, c’est-à-dire éviter l’élimination après les quatre premières passes.  Et, si tout va bien, aller au bout des huit passes. «Pour la couronne, je crois que c’est quand m�me trop t�t», souffle David Barras, 19 ans et un bel avenir devant lui.
Les favoris comme le roi en titre Kilian Wenger (Berne), Bruno Gisler (Nord-ouest) ou Mathias Sempach (Berne) sont-ils accessibles pour les petits gars de la Romande? «Oui, bien sûr, répond Johann Borcard. Cet été, j’ai eu l’occasion de m’entraîner avec Sempach Mathias. C’est un gars comme tout le monde, très sympa. Mais c’est sûr que les favoris doivent �tre plus tendus que nous. Il y a une telle pression.»


Les temps changent
La lutte suisse continue d’�tre présentée comme le sport traditionnel d’une Suisse ancestrale. Mais pour les hommes de culotte aussi, les temps changent. L’engouement pour le rendez-vous de Berthoud a largement dépassé les milieux terriens et historiques de ce sport.
Les meilleurs lutteurs ont leurs propres sponsors. Quant aux billets pour la f�te, ils se sont vendus comme de rien entre 130 et 225 francs. Aussi chers que des billets pour la Coupe du monde de foot. Ce week-end, le visiteur commencera par se faire racketter de 20 francs par jour pour parquer sa voiture. Et, dans les travées, les pavillons aux couleurs des partenaires financiers se succèdent. Ceux qui le souhaitent pourront m�me se faire tatouer à l’henné par un jeune hippie en écoutant un vieux tube des Rolling Stones. Comme si la F�te fédérale de lutte suisse était devenue une manifestation comme les autres.
Eloignés de tout ça, Guillaume Remy, Simon Brodard, Augustin Brodard, David Barras et Johann Borcard ont rendez-vous avec le reste du Team Romandie pour prendre un bus qui les emmènera à plusieurs kilomètres de là, à Zollikofen, où ils dormiront dans l’internat de l’école d’agriculture. Il est 18 h, les cinq amis se demandent comment diable ils vont occuper leur soirée en attendant le rendez-vous de leur vie.

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