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Canton

Une dernière belle année avant des temps plus incertains

Alors que les revenus fiscaux, la masse salariale et les subventions augmentent, la péréquation ne cesse de diminuer. INFOGRAPHIE DIRECTION DES FINANCES

PAR DOMINIQUE MEYLAN

Les comptes 2019 du canton sont excellents. Comme ces dernières années, l’écureuil fribourgeois a même fait des provisions pour les années à venir. Mais la présentation de ces résultats, hier à Forum Fribourg, avait comme un air de fin d’époque. Quelles seront les conséquences de la pandémie de coronavirus? Impossible de le dire aujourd’hui, mais l’effet sera bien là, selon le directeur des Finances, Georges Godel (voir encadré).

Les comptes présentent un bénéfice de 12,1 millions de francs. Le résultat du canton est toutefois bien meilleur. Avant la constitution de réserves, l’excédent de revenus s’élevait à 82,1 millions, ce qui constitue le bénéfice réel. Au total, les revenus se chiffrent à 3,701 milliards pour des charges de 3,689 milliards.

Stratégie d’anticipation

«La situation financière de l’Etat présente une image positive et nous ne pouvons que nous en réjouir», constate Georges Godel. Le grand argentier défend la volonté du Conseil d’Etat de renforcer les provisions. «Cette stratégie d’anticipation nous permettra de faire face à plusieurs charges importantes et inévitables.» Georges Godel fait bien évidemment référence à la pandémie de Covid-19, mais aussi à la réforme de la Caisse de prévoyance du personnel de l’Etat, à la croissance démographique, au vieillissement de la population, au financement de la santé ou aux besoins accrus en digitalisation.

Les sources de revenus du canton devraient aussi se retrouver sous pression avant même une éventuelle récession liée au coronavirus. La réforme fiscale commencera à déployer ses effets dans les comptes 2020 et la péréquation financière fédérale est en constante diminution. «La tendance baissière est confirmée pour les années à venir», rapporte le trésorier d’Etat, Laurent Yerly. Quant au versement de la part au bénéfice de la BNS, qui a contribué en 2019 à renflouer les comptes (49,5 mio), il a tendance à varier d’une année à l’autre. Ce pourrait être toutefois la bonne nouvelle de 2020, avec un versement estimé à 99 millions.

Multiples provisions

Le Conseil d’Etat a choisi d’attribuer 25 mio au fonds d’infrastructure, 16 mio pour les fonds de recherche, d’innovation et de développement des hautes écoles et l’Université, ainsi que 15 mio pour permettre à l’HFR de réduire les pertes cumulées à son bilan. Quelque 6 mio ont été affectés à l’assainissement de la décharge de la Pila. La fortune du canton s’élève désormais à environ 1,3 milliard de francs.

Les charges sont supérieures de 105,5 mio au budget (+ 2,9%). «Le dépassement du budget n’est qu’apparent», avertit Laurent Yerly. Cette différence s’explique en grande partie par les versements aux provisions.

Les dépenses liées au personnel ont augmenté de 21,6 mio en un an en raison d’une croissance de 154 équivalents pleintemps (EPT). Cette hausse doit être relativisée, car elle comprend le deuxième volet de l’opération de pérennisation des postes (38 EPT) ainsi que les conséquences de la cantonalisation des services d’intégration (32 EPT). Au final, la progression nette s’élève à 84 EPT.

Plus de rentrées fiscales

Les revenus de la fiscalité se situent une nouvelle fois audessus des attentes (1,404 mia contre 1,362 mia inscrits au budget). Depuis 2010, ils n’ont cessé d’augmenter (voir infographie). Ce sont notamment les impôts sur le bénéfice et le capital des personnes morales, ainsi que les taxes perçues sur les gains immobiliers et la fortune qui gonflent les chiffres 2019. Les rentrées liées aux impôts sur le revenu sont légèrement inférieures au budget. «Elles ont été certainement surestimées», analyse Georges Godel.

Le total des investissements (215,4 mio) marque une très légère augmentation par rapport à 2018. Fait réjouissant, le degré d’autofinancement s’élève à plus de 115%. Le canton n’est toutefois pas parvenu à remplir l’ensemble de ses objectifs, en raison de l’avancement contrasté des projets. Les achats d’immeubles englobent près de 35 mio. Le canton a utilisé quelque 25 mio pour l’aménagement et l’entretien de ses routes.

Sur 100 francs perçus par l’Etat, plus de 38 francs sont consacrés à la formation, près de 20 francs à la santé et 20 francs à la prévoyance sociale. L’ordre et la sécurité publique représentent un peu moins de 9 francs et l’administration générale 7 francs. ■


Une chance en temps de crise

Le PDC se félicite de ces comptes 2019 dans un communiqué. «Il est éminemment rassurant pour la population fribourgeoise de savoir que, en cas de crise telle que nous la connaissons aujourd’hui, les finances du canton sont solides et permettent des mesures rapides en faveur de la population et de l’économie». La FEDE (Fédération des associations du personnel du service public) se réjouit également que le canton soit capable de faire face financièrement à la crise liée au coronavirus.

Pour le PS, le résultat positif enregistré en 2019 doit permettre de soutenir les Fribourgeois touchés par la pandémie. Il déplore que la prudence budgétaire du canton pénalise régulièrement les domaines de la santé, du social et de la formation. Le Syndicat des services publics (SSP) se montre plus précis sur ses demandes: il souhaite que 15 mio de cet excédent de revenus reviennent à l’HFR, dont 5 mio pour revaloriser les salaires du personnel et compenser les efforts extraordinaires qui lui sont demandés. DM


Les finances n’en sortiront pas indemnes

Il est d’ores et déjà clair que le coronavirus aura des conséquences sur les finances de l’Etat. Les comptes 2019, présentés hier, n’en contiennent aucune trace puisqu’ils ont été arrêtés le 18 février. Dans un autre temps donc, quand la pandémie semblait encore lointaine. Depuis, le Conseil d’Etat a débloqué une première tranche de 50 millions de francs destinée à soutenir l’économie fribourgeoise. «C’est clair qu’il en faudra davantage, reconnaît le directeur des Finances, Georges Godel. Nous débloquerons les tranches nécessaires à cette pandémie.»

Digitalisation et télétravail

Il ne s’agit pas de la seule dépense engagée par le canton. Depuis le 13 mars, le Gouvernement a décrété l’état de situation extraordinaire qui lui permet d’agir sans soumettre de crédits au Grand Conseil. Dans la foulée, l’Organe cantonal de conduite a été mis sur pied avec tous les moyens nécessaires. Le maintien du fonctionnement de l’Etat, avec notamment des efforts sur la digitalisation et le télétravail, ainsi que des solutions pour assurer l’enseignement à distance, impliquent des dépenses. A plus long terme, le canton devra certainement prendre des mesures utiles à la reprise des activités. L’ensemble de ces engagements seront soumis a posteriori au Grand Conseil.

Baisse des rentrées fiscales

«Il y aura certainement une baisse des rentrées fiscales l’année prochaine. J’espère que la situation de pandémie ne durera pas trop longtemps», anticipe Georges Godel. Le canton se refuse à articuler un chiffre sur les pertes. Un, deux, trois mois de blocage, voire davantage, pourraient avoir des conséquences très contrastées. Les répercussions se ressentiront certainement pendant plusieurs années. «Nous avons de la chance, notre situation financière est bonne», se console le grand argentier. DM 

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