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De la difficulté de rencontrer quelqu’un en plein Covid

Pandémie oblige, les rencontres en 2021 se font dans le froid de l’hiver ou directement à la maison. JEAN-BAPTISTE MOREL
Christian Pythoud

Christian Pythoud

13 février 2021 à 06:00

Dans le contexte actuel, les célibataires migrent de plus en plus sur les applications de rencontres en ligne.

Alors que tout est fermé ou presque, comment s’organisent les premiers rendez-vous?

Spécialisé en thérapie de couple et sexologie, le docteur en psychologie Sacha Roulin livre ses conseils pour vivre au mieux cette période bouleversée par la pandémie.

CLAIRE PASQUIER

AMOUR. Il y a des signes qui ne trompent pas. Comme ces rayons de chocolat aux tons rouge amour ou ces concours pour gagner une nuit d’hôtel. Eh oui! la Saint-Valentin, c’est bien demain. Un excellent prétexte pour évoquer l’amour sous toutes ses formes. Surtout en temps de Covid. Depuis un an, les pratiques sur le plan amoureux ont été bouleversées. Les personnes en couple ont passé davantage de temps à deux (lire ci-dessous) et les célibataires en quête de rencontres n’ont eu d’autre choix que de se tourner vers les applications de dating, Tinder en tête. Alors, les rencontres au temps du Covid, c’est comment?

«J’avais installé, puis désinstallé Tinder il y a deux ans. Avec le nouveau semi-confinement en novembre, j’ai retenté l’expérience sur l’onglet “rencontre” de Facebook», raconte Emilia*, 28 ans. A la recherche d’une relation, la jeune femme déchante assez vite. «Pour coucher, il y a du monde. Avec ou sans Covid. Mais pour moi qui suis dans une démarche sérieuse, c’est difficile», constate la Bulloise. Difficile puisque tout ou presque est fermé. La rencontre se fait automatiquement chez l’une des deux personnes ou à l’extérieur pour une balade. «Je n’ai pas forcément envie d’accueillir quelqu’un chez moi et dehors il fait froid, alors…»

Avant la pandémie, Hugo*, 31 ans, faisait un usage sporadique des applications de rencontres. «Plus ou moins» célibataire depuis quatre ans après une histoire de onze ans, le Fribourgeois s’étonne de la tournure que prennent ces premiers rencards, organisés à la maison. «Aller chez quelqu’un n’est pas anodin. Le cadre est beaucoup plus intimiste et il y a cette impression de sauter des étapes. On s’ouvre une bouteille de vin, la fille est apprêtée. Le contexte est propice à beaucoup plus de contacts physiques.»

En quête de contact social

Selon lui, il y a un «effet Covid». «Hors pandémie, jamais je n’agirais comme ça.» Et de constater que tout le monde sur ces applications est en quête de contacts sociaux. «Les relations peuvent devenir très vite enflammées, mais on se rend vite compte qu’on ne connaît pas bien la personne.» Pour le trentenaire, le contexte actuel, si instable, ne lui donne pas envie de se projeter dans une relation sérieuse.

Valentin*, 30 ans, est plutôt du genre à sortir et à rencontrer du monde dans les bars ou par le biais d’amis. «Que ce soit pour une relation intime ou pour développer une amitié, je préfère rencontrer les gens naturellement.» Depuis peu, le Glânois s’est tout de même inscrit sur Tinder et observe aussi ce besoin de contact social. «J’ai l’impression que les gens sont en recherche active de compagnie, de conversation. Il ne s’agit pas que de cul.» S’il a bien rencontré une fille sur l’application, il n’est pas entièrement convaincu. Et d’imaginer l’après-pandémie. «J’ai l’impression qu’au contraire, les gens qui étaient pro-applications reviendront à des rencontres spontanées.»

Un peu d’espoir

Que les célibataires endurcis ou réfractaires aux rencontres en ligne ne désespèrent pas. L’amour peut encore pointer son nez sans crier gare. Marie en a fait l’expérience cet automne. «J’ai rencontré mon copain dans une soirée chez des amis.» Depuis, les deux apprennent à se connaître dans un contexte de semi-confinement. «Je passe plus de temps avec lui, j’ai l’impression que notre intimité est différente.» Et de se réjouir du futur comme d’un nouveau monde à découvrir à deux: «On a simplement hâte d’aller boire un verre en terrasse, de manger au restaurant ou d’aller se faire un film.» ■

*Prénoms d’emprunt


Le confinement, une loupe sur le couple 

Docteur en psychologie, Sacha Roulin est spécialisé en thérapie de couple et en sexologie. Avec son épouse Marie-Laure Roulin, ils ont dernièrement ouvert leur cabinet, Histoires de soi, à Bulle. Selon le spécialiste, la pandémie et le semiconfinement qui en découle s’attaquent «insidieusement dans les fondements de la société et du couple». Heureusement, il y a des pistes pour surmonter cette épreuve.

Quelles sont les problématiques qui reviennent?

En fait, il n’y a pas de «cas Covid» avec des couples qui souffriraient de dysfonctionnements liés au Covid. Mais le confinement révèle les dysfonctionnements antérieurs. Il a un effet de loupe sur ce qui posait problème avant. Ce qui est positif toutefois, c’est que cet effet de loupe permet de redéfinir la dynamique, de savoir ce que chacun aime. Certains souffrent, mais c’est pour mieux se positionner sur ce qu’ils veulent.

L’impossibilité de se projeter est également difficile à gérer. Les gens ont besoin d’ancrer quelque chose et c’est aussi valable pour les couples. Nous ne sommes pas des êtres faits pour vivre dans le présent. Le plus dur c’est de ne pas pouvoir s’imaginer fonder quelque chose avec une certaine sérénité.

J’ai constaté enfin que les femmes évoquent davantage la charge mentale et les hommes comprennent davantage cette problématique. La solidarité face à cette épreuve du confinement est importante et la répartition des tâches au sein du couple semble devenir meilleure.

Comment aider les couples qui se marchent dessus à cause du télétravail?

Cela dépend d’éléments structurels. Est-ce que ce couple dispose de pièces différentes pour télétravailler? Je conseille, dans la mesure du possible, de travailler séparément et de se retrouver pour le café pour un moment sympa. Une patiente me disait qu’elle avait l’impression que son mari était devenu comme un collègue. Il faut recréer cet effet «d’après». A la fin de la journée, une des deux personnes ou les deux devraient aller marcher pour passer par ce sas de décompression. On peut changer de tenue aussi. Cela afin que le cerveau enregistre le changement. Sinon, les frontières deviennent trop floues entre l’intime et la vie professionnelle.

Quels conseils pour entretenir la flamme?

L’éros, le désir, naît de la distance, du mystère, de ce qu’on ne comprend pas chez l’autre, de ce qui nous échappe. La tendance constatée durant la pandémie, c’est que le confinement atténue le mystère. Les couples passent leurs week-ends à deux et voient moins de monde. Or, le couple se nourrit d’interactions et d’activités extérieures. Mon conseil est donc de réinstaurer de la distance pour que le désir revienne. Il faut exercer des activités sans l’autre, aller à l’extérieur. Bouleyres reste toujours sympa même s’il fait froid. Cela servira à retrouver ce qu’on ressent quand l’autre a été absent.

En outre, les gens ne sont pas tous habitués à valoriser qualitativement les moments à deux. Il faut penser à s’organiser un bon film, à commander un panier-repas ou partager une bonne bouteille. Cela crée une intimité plus propice au désir. Enfin, il faut aussi veiller à prendre soin de soi et marquer le coup durant ces moments-là.

Quelles difficultés rencontrent les célibataires qui vous consultent?

La principale est la difficulté voire l’impossibilité de faire des rencontres. Pour les très jeunes, les 18-25 ans, c’est différent et c’est presque comme avant. Mais pour les trentenaires qui travaillent davantage, qui respectent peut-être plus les mesures sanitaires, c’est apparemment plus compliqué. Et plus cette situation dure, plus certains commencent à douter, à se demander s’ils plaisent encore, s’ils savent encore séduire.

Quels conseils donner aux célibataires qui utilisent les applications de rencontre?

Il faut bien définir ce qu’on cherche. Prendre le temps de savoir si le partenaire rencontré en ligne cherche la même chose. C’est certes un cliché, mais il se vérifie: beaucoup de patientes sont en quête d’une relation stable et les hommes veulent davantage une aventure. Il faut se donner le temps. Proposer un café chez soi comme au bistrot, sans que ça aille plus loin. Se respecter. Et non pas fuir dans quelque chose qu’on regretterait. Si avoir une aventure d’un soir a un effet thérapeutique, alors c’est tant mieux. Mais si ce n’est pas authentique, il vaut mieux s’écouter. CP

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