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Et si, pour les sprinteurs, la piste de Bouleyres était magique…

C’est à Bulle que le record suisse sur 100 mètres a été enregistré. En 2013, Alex Wilson a couru en 10’’12. Chaque été, les meilleurs sprinteurs du pays participent au Meeting de la Gruyère parce qu’ils espèrent y réaliser un temps. Benoît Fragnière explique pourquoi cette piste est si rapide. Samedi, le spectacle sera une fois de plus au rendez-vous.

PAR KARINE ALLEMANN

Les incrédules soupçonnent la piste de Bouleyres d’�tre trop courte, ou en pente. Les jaloux accusent un mauvais chronométrage. Les mystiques, eux, la croient magique. Parce qu’elle se situerait sur une zone tellurique. C’est qu’il faut bien trouver une explication au fait que, chaque été, de meilleures performances suisses sont homologuées à Bulle. Et pas à la Welklasse de Zurich ni au c�té des stars d’Athletissima. En effet, c’est bien le Meeting de la Gruyère qui a enregistré le record suisse sur 100 m d’Alex Wilson (10’’12), en 2013. L’été dernier, Léa Sprunger était tellement étonnée de son 11’’34 en série qu’elle pensait sérieusement que la piste descendait.
Benoît Fragnière sourit des différentes rumeurs. «Quand les 10’’12 de Wilson ont été annoncées, les gens ne voulaient pas y croire, se souvient l’organisateur du meeting bullois. La Gruyère, c’est la campagne, un pays de loups. Ce n’est pas là que les choses doivent se passer. Mais quand j’ai envoyé mon rapport et la photo-finish à la fédération, le doute n’était plus possible. D’autant plus que Wilson a confirmé ce temps peu après. Et puis, cette piste a été contr�lée par les géomètres: elle est de la bonne longueur, et parfaitement plate!» Dès lors, comment expliquer qu’elle soit reconnue dans toute la Suisse comme ultrarapide? Explications avec le responsable des Organisations athlétiques gruériennes (OAG), dont le traditionnel meeting aura lieu samedi.

Des bases solides
Pour Benoît Fragnière, cela tient notamment à la qualité de sa construction (photo). Depuis 1979, six couloirs forment un anneau synthétique de 400 mètres, en Rubtan. «Il n’a été refait qu’à une seule reprise, en 1999. Désormais, la piste est en Résisport (n.d.l.r.: un rev�tement semi-perméable bicouche). En fait, dès le départ, le travail de fondation et de drainage a été très bien fait. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres stades, la piste ne s’enfonce pas.»
Et la dureté du rev�tement joue un r�le dans les performances. «Les rev�tements bleus, que l’on voit assez souvent, sont plus souples. Apparemment, ils sont mieux pour les articulations. Donc bien adaptés aux entraînements. Mais, ils ont tendance à absorber la puissance des coureurs. Pour la compétition, les sprinteurs préfèrent les rev�tements plus durs, avec un meilleur répondant. Ils restituent mieux l’énergie du coureur.»
Pour rappel, si le stade de Bouleyres a été inauguré en 1949 après deux ans de travaux, la piste synthétique est devenue réalité cinquante ans plus tard. «Avant cela, les six couloirs étaient sur du gazon. A l’époque, la seule vraie piste de Suisse romande était à Vevey, où il y avait un anneau synthétique de 300 mètres seulement. Ni Fribourg ni m�me Lausanne n’en possédait. Comme le FC Bulle réalisait de bons résultats, la ville avait été d’accord de refaire les tribunes du stade. L’occasion était toute trouvée pour demander l’installation d’une vraie piste. Les Organisations athlétiques gruériennes ont été créées à ce moment-là avec les autres clubs de la région. L’idée était de profiter de cette nouvelle piste en organisant des meetings. Et, à l’époque, le SA Bulle aurait été trop petit pour le faire seul.»

Une bise favorable
Et puis, le stade de Bouleyres est orienté nord-sud «Dès lors, avec la bise, la piste bénéficie souvent d’un léger vent favorable. Bien sûr, il ne faut pas qu’il dépasse les deux mètres par seconde pour que le chrono soit homologué.» D’ailleurs, pour un match de foot du mois d’octobre par exemple, les habitués de Bouleyres savent qu’assis dans les tribunes il faut toujours avoir quelqu’un à sa gauche pour �tre protégé de la bise.

Une réputation, mais pas de pression
La première bonne performance enregistrée à Bulle date des années 1990, avec le sprinteur de Vevey Kevin Widmer. «Des coureurs de Lausanne et de la Riviera ont commencé à monter à Bulle. Et puis, dans ces années-là, nous faisions partie de la Coupe romande, avec Sion et Lausanne. Cela a amené beaucoup de monde. Mais les coureurs commençaient à demander trop d’argent. Nous avions dû arr�ter.»
Ces dernières années, les performances se sont succédé. «Du c�té du SA Bulle, Raphaël Chassot y a établi son meilleur chrono de 10’’49. C’était déjà excellent. Puis, plus récemment, il y a eu le relais 4 x 100 m de Laurent Meuwly, avec notamment Lea Sprunger, Joëlle Golay et Marisa Lavanchy.» C’est bien à Bulle, en juillet dernier, que les trois athlètes (11’’34, 11’’42 et 11’’47) ont décroché leur ticket pour les championnats d’Europe de Zurich. Et en plus du record de Wilson en 2013 (photo), en 2012, la finale bulloise restera comme le 100 m le plus dense de l’histoire du sprint suisse, avec trois athlètes en dessous des 10’’30 (Fongué et Schenkel en 10’’25, Wilson en 10’’26).
Désormais, plus personne en Suisse n’ignore la rapidité de la piste. «Encore mardi soir, j’ai reçu 30 nouvelles inscriptions pour samedi. Je vais devoir organiser douze séries de 100 m. J’espère que le public viendra en nombre, car il va y avoir du spectacle.»
Et de préciser: «Je pense aussi que le fait que les athlètes courent chez nous sans pression joue un r�le. Il n’y a pas de caméra de télévision ni de sponsor. Ils viennent juste chercher un temps.»
Reste que la présence des stars du sprint suisse en Gruyère peut agacer hors des contrées gruériennes. «D’autres organisateurs nous soupçonnent de payer les coureurs. Mais c’est faux! Contrairement à certains meetings, nous n’avons aucune prime d’engagement. La seule chose que je fais, c’est rembourser le déplacement en train de certains. Mais cela ne dépasse jamais les 100 francs. Vraiment, les coureurs viennent juste parce que notre piste est rapide.»

Une magie à entretenir
La piste ne nécessite aucun entretien particulier. «La ville la nettoie à la brosse mécanique de temps en temps, c’est tout. Mais, au fil du temps, cela enlève une couche à chaque fois. Alors le rev�tement aura bient�t besoin d’�tre refait. Certains la trouveront peut-�tre moins rapide après. Mais peut-�tre que ce ne sera que psychologique.»
D’ailleurs, il se raconte m�me que cette piste serait soumise aux forces supérieures. «Certains disent que la piste se situe sur la ligne tellurique qui va de la Dent-de-Broc au Moléson, en passant notamment par la chapelle et le ruisseau du Dah, à Estavannens. Alors il y aurait beaucoup d’énergie…»
Spécialement bien conçue, bien orientée, voire carrément magique: finalement peu importe. Pour que le spectacle continue à Bouleyres, l’important est que les coureurs y croient…

 

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Alex Wilson chassera un chrono
Auteur d’un excellent 10’’17 à La Chaux-de-Fonds la semaine dernière, Alex Wilson a annoncé sa présence à Bulle samedi pour le 100 et le 200 m. «Il est toujours à la recherche du chrono de 10’’16 qui le qualifierait pour les Mondiaux de Pékin, fin août», précise Isabelle Charrière, membre de l’organisation du meeting.
C�té suisse, deux sprinteurs sont annoncés: Rolf Malcom Fongué (record personnel 10’’25) et Suganthan Soma­sunda­ram, membre du relais masculin 4 x 100 m, quatrième aux championnats d’Europe de Zurich l’été dernier. Chez les filles, Clélia Reuse participera au 100 m haies. «Nous compterons également la présence de trois jeunes coureurs de Zambie, note Isabelle Charrière. Il s’agit de juniors de très haut niveau, qui ont comme référence des temps entre 10’’26 et 10’’42.»
Le meeting débutera à 12 h 15 avec les séries messieurs sur 100 m et se poursuivra avec toutes les disciplines habituelles, dès les catégories U16. A noter, notamment, les présences d’Yves Zellweger, qui «vaut» 8,03 m au saut en longueur – «une performance de niveau européen» – et celle de Vivien Streit pour le saut en hauteur (2,14 m en 2014).


Des relais 4 x 100 m pour conclure
Les finales du 100 m sont prévues dès 15 h 45 pour les dames, dès 16 h pour les messieurs. Le meeting se conclura à 17 h avec les relais 4 x 100 m, féminin et masculin. Programme complet sur le site www.sabulle.com. KA

 

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La photo-finish rend crédible
Benoît Fragnière le rappelle: l’arrivée de la photo-finish – validée au niveau international pour les JO de Mexico en 1964 – a coupé court à toutes les contestations. «Avant, chaque championnat fribourgeois était sujet à polémique et donnait lieu à des bagarres terribles. Pour enregistrer un temps, le chronomètre des juges pouvait suffire. Mais établir un classement en cas de sprint serré était quasiment impossible. Une photo-finish enregistre 1000 images par seconde. Le stade de Bouleyres bénéficie actuellement d’une des meilleures technologies. Les protocoles d’homologation des installations sont tenus à jour par Willy Moret. C’est la technologie qui nous apporte la crédibilité.»
Dans le bulletin des quarante ans du SA Bulle, l’organisateur donne l’exemple de la mythique victoire d’Usain Bolt aux jeux Olympiques de Pékin, en 2008. «Après la flèche Bolt, sept athlètes ont franchi la ligne d’arrivée entre un temps de 9’’89 et 10’’03. Le tout, à une vitesse de 38 km/h… Il serait impossible de les départager à l’œil nu.» KA

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