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Gruyère

Les Barbus, ces fiers gardiens d’une Gruyère de tradition

Un livre, une expo, un reportage télévisé mettent en lumière les Barbus de la Gruyère. Leur société a fêté l'an dernier ses 70 ans.

PAR ERIC BULLIARD


Ils défilent aux désalpes et à nombre de manifestations liées au terroir. Ils représentent une image de la Gruyère, quasi immuable. Celle que recherchent les touristes, que véhiculent les cartes postales. N’empêche que, même ici, les Barbus de la Gruyère demeurent mal connus. Les voici en lumière, grâce à une exposition au Musée de Charmey, jusqu’au 28 mai, un livre aux Editions de L’Hèbe et un reportage de Passe-moi les jumelles, sur la TSR, ce vendredi (20 h 20).
«A la base, il y a le travail de Mélanie Rouiller», souligne Patrick Rudaz, conservateur du Musée. En 2009, la photographe gruérienne avait exposé des portraits de Barbus. Deuxième étape: Pascal Rebetez, journaliste à la TSR, prend contact avec cette société après la Désalpe des Quinquas, à Fribourg, en septembre dernier.
En préparant son reportage, il rencontre Mélanie Rouiller. Le triptyque se conclut avec l’arrivée de Jean-Philippe Ayer, ami de Pascal Rebetez. Il estime que le sujet mérite un livre (lire ci-contre). Afin d’aboutir à «un vrai projet complet».


Depuis 1941
Le Groupe des Barbus de la Gruyère compte aujourd’hui 25 membres. Moyenne d’âge: 67 ans. Le plus jeune, Félix Girard, est né en 1962. «Notre société n’a jamais été beaucoup plus nombreuse, mais, à une certaine époque, il y avait davantage de jeunes», souligne son président, Fernand Ruffieux. Qui espère que cette médiatisation va «amener quelques nouveaux».
Cette société «unique au monde» (dixit Passe-moi les jumelles) a fêté l’an dernier ses 70 ans: l’assemblée constitutive s’est tenue le 9 mai 1941, à l’initiative d’Henri Naef, conservateur du Musée gruérien et fondateur (en 1928) de l’Association gruérienne pour le costume et les coutumes. Il avait réuni des barbus pour la Fête fédérale des costumes à Lausanne, en 1932, et le Tir fédéral de Fribourg en 1934. Succès à chaque fois.
Cette image de l’armailli à barbe et bredzon était alors récente. On la doit à Placide Currat, de Grandvillard, notaire à Bulle, soliste à la Fête des Vignerons de 1889 et de 1905. «C’est lui qui crée ce personnage de l’armailli», rappelle Patrick Rudaz. Les quatre attributs de base ne changeront plus: bredzon, capet, loyi et canne. «Dès lors, on passe de la fonction à l’image représentative du mythe gruérien.»


Le regard vers le futur
Depuis, les Barbus perpétuent cette représentation avec une fierté qui n’exclut pas l’humour. A travers quelque 225 représentations depuis la création de la société. «Ces dernières années, nous sommes de plus en plus demandés», relève Fernand Ruffieux. Qui, dans le film, souligne que les Barbus de la Gruyère ont «un pied dans le passé, mais le regard tourné vers l’avenir». Outre les photos de Mélanie Rouiller, l’exposition présente des archives et des objets de la société des Barbus. Ainsi que le Passe-moi les jumelles.
En découvrant le documentaire, Fernand Ruffieux se dit content de voir que «le côté humain est bien ressorti». Parce que les Barbus ne sont pas que folklore. Leur histoire est aussi celle d’une amitié: «On ne laisse personne de côté.» Quand, avec l’âge, pointent la solitude et les soucis de santé, ils se serrent les coudes. Autant dire que cette étonnante confrérie dépasse la définition pudique qu’en donne un de ses membres: «La barbe, c’est un hobby…»

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Au-delà de la barbe et de l’image
«Je les ai souvent vus lors de manifestations et je ne comprenais pas bien qui ils étaient. J’ai eu envie de mieux les découvrir.» La photographe Mélanie Rouiller a déjà travaillé sur le thème des Barbus de la Gruyère: en juin 2009, elle exposait 13 portraits à la Tour historique, à La Tour-de-Trême.
Au-delà du travail artistique, une histoire de rencontres. «A chaque fois, j’ai passé au moins deux heures chez eux, à discuter. C’était très riche. Je leur demandais quelque chose qu’ils ne voulaient pas, au début: ils auraient aimé poser devant le Moléson! Alors que ce qui m’intéressait, ce n’était pas de montrer l’image qu’ils véhiculent, mais la personne.» Un moyen terme est trouvé: les Barbus posent en bredzon, mais chez eux.
Pour Mélanie Rouiller, les Barbus de la Gruyère «sont là pour promouvoir ce que les paysans n’ont pas le temps de faire. Ils font partie du folklore et représentent une image de la Gruyère, que l’on peut aimer ou pas. Il n’y a qu’à voir le nombre de touristes qui les prennent en photo…»


Une question d’identité
Si Mélanie Rouiller s’est intéressée à eux, c’est aussi que les Barbus affirment leur identité à travers leur apparence, leurs coutumes et leur manière de les défendre. La photographe se passionne de longue date pour ce thème de l’identité, que l’on retrouve dans son actuel travail à Berlin, où elle passe six mois, grâce à la résidence d’artiste de l’Etat de Fribourg. «J’ai toujours aimé essayer de comprendre comment les gens se cherchent une identité, une appartenance.»
Dans son regard, pas question de les critiquer ni de remettre en cause leur légitimité, comme le font certains, même dans la région. «Les gens confondent Barbus de la Gruyère et armaillis. Eux ne mélangent pas: ils ne se disent pas armaillis.»
Une évidence: tous, même ceux qui ne sont pas paysans, restent profondément liés à la montagne, à la terre, à leur coin de pays et à ses traditions. Et les discussions sur leur authenticité apparaissent finalement bien vaines: «On entend parfois dire que “les Barbus de la Gruyère ne sont pas les vrais”. Qu’est-ce que ça veut dire, “les vrais”? Est-ce qu’un paysan qui porte le bredzon avec des baskets et qui ne sait pas à quoi sert le loyi est plus authentique?» EB

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