Logo

Gruyère

Montrer qu’une femme peut devenir capitaine instructrice

Deux femmes portent le titre de capitaine instructrice dans le canton. L’une est gruérienne, l’autre glânoise. Rencontre avec Alexandra Sottas et Sabrina Mauron, deux sapeurs hyperactifs.

ANGELIQUE RIME

«Ces tenues ne sont pas vraiment taillées pour les filles.» En rev�tant leur uniforme, Sabrina Mauron, lieutenant au Centre de renfort de Romont, et Alexandra Sottas, premier lieutenant du corps de Corbières-Hauteville-Villarvolard, osent quelques commentaires. Ce qui n’emp�che pas les deux seules femmes capitaines instructrices du canton – elles préfèrent cependant le titre au masculin – de le porter avec fierté. Interview croisée.

Vous �tes une espèce rare, est-ce que vous avez l’impression d’�tre des pionnières?
Sabrina Mauron: Effectivement. J’espère surtout que, gr�ce à nous, d’autres femmes auront envie de devenir instructeur.
Alexandra Sottas: Notre réussite permet de montrer que ce n’est pas impossible!

Pourquoi y a-t-il si peu de femmes instructeurs?
AS: A la base, il y a déjà peu de femmes qui font partie des corps de sapeurs-pompiers. C’est vrai qu’on attire un peu l’attention et qu’on a l’impression d’�tre épiées. Alors quand il s’agit de prendre des responsabilités, il y en a encore moins qui se dévouent.
SM: Mais une fois qu’on a fait sa place, cela vaut la peine. J’adore ce milieu, j’ai l’impression qu’avec les hommes tout est plus simple.

La difficulté de la formation est aussi l’une des raisons...
AS: Il est vrai que c’est dur et long. Dans ma volée, nous étions 16 à commencer et nous avons fini à neuf. Les sélections se déroulent sur une année. Il y a tout d’abord un examen écrit, une rédaction et un entretien. Puis, on s’entraîne à enseigner la matière apprise entre aspirants d’une m�me volée, en essayant de se rencontrer le plus souvent possible.
SM: Viennent ensuite trois jours de sélection intensifs, pendant lesquels vous n’avez plus de nom, mais des numéros! Les instructeurs essaient de vous déstabiliser, ils vous posent des questions de détail pendant que vous accomplissez des manœuvres compliquées. La pression psychologique est énorme. Ils nous poussent à bout, nous font courir dans tous les sens. J’ai vu des hommes pleurer. Une fois cette épreuve réussie, reste à suivre une semaine de cours à l’Ecole suisse d’instructeurs.

Malgré ces exigences, vous avez tout de m�me décidé de vous lancer dans cette formation d’instructeur. Pourquoi?
SM: La passion. Dans ma famille, il y a déjà beaucoup de pompiers, donc cela coulait de source. J’adore enseigner, lorsque je donne un cours, je me sens bien.
AS: La passion aussi. Je n’ai pas grandi dans un milieu de pompiers. Au départ, je me suis m�me engagée pour ne pas payer la taxe non-pompiers... Mais j’ai vite croché.
Je l’ai fait aussi pour mon corps. Ce n’est pas toujours facile pour un petit village d’�tre pris au sérieux. Devenir instructeur m’a permis d’amener des idées à mon groupe et d’apporter des conseils à mes collègues.

La formation demande un investissement en temps important. Comment avez-vous géré votre agenda?
AS: Heureusement que j’ai un patron extra... Mais quand on quitte le travail, il faut rattraper ses heures ou les prendre sur les congés. Donc une semaine pour les pompiers, c’est une semaine de vacances en moins. Le compteur est vite à zéro. Beaucoup arr�tent, car l’investissement en temps devient trop pesant. Pour nous qui l’avons fait, ça montre notre c�té passionné et aussi qu’on est un peu «masos». D’ailleurs, il n’y a rien de pire qu’un dimanche après-midi où on ne sait pas quoi faire.  
SM: C’est avant tout une question d’organisation. Au total, j’ai calculé avoir pris seize jours de congé pour passer ce brevet.

Si vous ne deviez retenir qu’un seul enseignement de votre formation, lequel serait-il?
AS: Je me suis rendu compte que la formation d’instructeur chez les pompiers, ce n’était pas rien. C’est l’une des plus complètes. Tant techniquement qu’humainement. Par exemple, avec un brevet fédéral d’instructeur, vous obtenez un certificat de formateur d’adultes. Cela montre les compétences nécessaires pour �tre pompier. Parfois, nous ne sommes pas tellement prises au sérieux, les gens ne savent pas trop qui nous sommes. L’image un peu vieillotte du pompier ne correspond plus à la réalité.
SM: J’ai été étonnée de mes capacités. J’ai réussi à repousser mes limites et j’ai appris que, si on veut quelque chose, on peut y arriver en donnant le meilleur de soi-m�me.

Devez-vous encore faire face à des remarques machos, m�me avec vos compétences?
AS: Je n’en ai jamais eu. Les sapeurs de mon corps me connaissent.  
SM: Parfois, les gens demandent en rigolant: «C’est qui le chef?» J’entends ces réflexions, mais je laisse couler. De toute façon, elles se paient après, par exemple si je dois nommer quelqu’un pour faire la circulation (rires). Le plus difficile pour moi est de réussir à me faire un prénom, indépendamment de mon nom de famille (n.d.l.r.: son père est commandant du Centre de renfort de Romont).

En tant qu’instructeur, quels sont les avantages d’�tre une femme?
AS: S’il y a un conflit, on aura plus tendance à vouloir le résoudre avant de continuer. Plus concrètement, dans notre vie de pompier, on a des chambres individuelles lorsqu’on suit des cours et il y a moins d’attente aux toilettes.

 

-------------------

 

Compagnons pompiers
Alexandra Sottas et Sabrina Mauron sont toutes les deux en couple avec des pompiers, qui ont eux-m�mes gradé. «Le soutien des proches est très important lorsqu’on se lance dans une formation d’instructeur, explique Sabrina Mauron. Nous avions m�me installé un tableau dans le salon et je donnais des cours à mon ami pour m’entraîner. Il me chronométrait aussi lorsque j’effectuais des exercices.» Alexandra Sottas faisait, quant à elle, la leçon à ses deux enfants. «Si mon compagnon ne faisait pas partie de ce milieu, il ne comprendrait pas pourquoi je consacre autant de temps aux pompiers! D’ailleurs, on s’est rencontrés dans ce cadre-là.» AR
 

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus