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Société

Le plaisir de faire son marché, mais en mode drive-in

Commandés sur le site www.fermeplanchy.ch ou sur Facebook, une centaine de paniers sont distribués deux soirs par semaine à la ferme de Planchy, à Bulle. En mode drive-in, pour respecter les mesures barrières. PHOTOS THOMAS DELLEY

PAR PRISKA RAUBER

ARTISANS. 16 h, ferme de Planchy, à Bulle. Devant nous les prés. L’air est un peu frais, mais le soleil brille. «Extra! Chapeau à vous, c’est formidable!» lance une dame en rangeant dans le coffre de sa voiture deux sacs en papier, d’où dépasse une botte de poireaux. Comme la centaine de clients qui vont se présenter en ce vendredi, elle apprécie l’initiative. Celle-ci émane d’une dizaine d’artisans d’ordinaire présents sur le marché de Bulle, qui se sont désormais regroupés pour vendre leurs produits.

Ils se côtoyaient bien sûr avant la pandémie, mais la crise les a réunis. D’abord Antoine Junod, boulanger à Vuadens, et Julia Wirthner, maraîchère de la ferme bulloise de Planchy. Ses légumes n’ont cure du virus qui paralyse le monde. Ils poussent! Quant au boulanger, depuis la fermeture des marchés et des restaurants, il a perdu 90% de son chiffre d’affaires. La discussion les amène à se dire, de fil en aiguille, qu’ils disposent ici d’un local (à l’arrière de la ferme, où se déroule d’ordinaire la vente directe) et qu’ils connaissent chacun d’autres artisans – et des clients – en mal de marché.

C’est ainsi que sont nés, le 20 mars, les Paniers du marché de Bulle. Avec un succès certain, qui les surprend euxmêmes: «On les distribue les mercredis et les vendredis, de 16 h à 19 h. On s’est arrêtés à cent paniers par fois, précise Antoine Junod. En ouvrant les commandes le vendredi soir, c’est déjà plein le samedi midi!»

Habitués du marché

Raison pour laquelle de nombreux clients dans la file, en mode drive-in, sont là aujourd’hui pour la première fois. «Ma fille a vu le lien, explique Christine, de La Tour-de-Trême. Quand j’ai voulu passer commande, c’était déjà complet. Alors me voilà seulement aujourd’hui!» Et Gaël, son suivant – qui vient «d’entrer dans sa quarantaine en quarantaine» – d’abonder: «Il faut s’y prendre à l’avance c’est vrai, mais ça vaut la peine.»

Les bonnes choses et leurs marchands le méritent. «Nous sommes là car nous sommes de tout cœur avec eux», lance Fran- çoise du siège passager, assise à côté de son mari Pierre. Ces Riazois sont des habitués du marché, comme Gaël, comme Christine et comme Olivier, pour qui il importe de soutenir les initiatives locales.

«C’est très important à mes yeux, confie ce dernier, un pied à terre. Venu à vélo, ainsi que quelques autres, il mettra son panier dans son sac à dos. «J’évite le plus possible les supermarchés, où tout le monde tripote tout et où l’air est saturé. On est bien ici.» Et le Bullois qu’on devine d’origine française de s’attrister du sort des caissières de certains géants de la distribution, «vraiment exposées».

Chacun a son rôle

La file de voitures n’est plus. Un répit bienvenu pour l’équipe des paniers. Ce soir, il y a Paul Pellegrini, de la ferme de Planchy, Denis Grossrieder des terrines de Denis, à Vuadens, Christophe Laner d’Il mio mercato, épicerie italienne à Bulle, et Antoine Junod. Les compagnons d’infortune causent saucisson, fromage, vin en biodynamie et baume au calendula.

Chacun a son rôle dans le respect des mesures barrières. Paul prend les noms des conducteurs qui arrivent, Christophe et Denis vont chercher les paniers prêts, à l’arrière, au frais, et Antoine encaisse. Ceux-ci sont assemblés le matin, cinq heures durant, par les artisans et leurs aides habituelles du marché, «qui retrouvent ainsi un peu de travail», se réjouit le boulanger. Ils comptent, au choix du client, du vin du domaine Montimbert (Chardonne), des pommes de terre bio de la famille Thévoz (Russy), des fruits de Müller (Cheseaux-Noréaz), des terrines de Denis, des œufs et des légumes d’André Rossier (Corjolens), ceux de Planchy (en reconversion bio), des produits de la fromagerie Caille (Romanens), d’Il mio mercato et du pain d’Antoine.

«Quelle organisation! C’est génial», lance Natascha, en apportant des boîtes à œufs vides, alors que le bal des voitures et des paniers a repris. Elle suit Emilie, venue chercher le panier de sa maman, «probablement atteinte du Covid-19. Du coup, je fais ses courses.» L’inquiétude pour les aînés, c’est le plus dur à supporter pour tous les gens que nous avons croisés. Bien plus que le confinement. Chacun s’est dit chanceux de l’endurer là. Et le soleil brille encore. ■


Offres spéciales pandémie

A l’heure où le coronavirus a privé les producteurs des marchés et des livraisons aux restaurateurs, nombreux sont ceux qui se réorganisent, livrent désormais à domicile ou se regroupent. Autant pour écouler leurs marchandises que pour servir leurs clients. Il y a les Paniers du marché de Bulle (ci-dessus), mais aussi le Marché aux 4 saisons, qui propose la livraison à domicile. Il compte de nombreuses enseignes, comme la fromagerie de Marsens, la boulangerie Baechler, Senteur des Vanils, la boucherie Esseiva ou les produits de la ferme de la fin du Chêne de Botterens (026 912 44 34). Sur cette liste non exhaustive, on trouve encore l’épicerie durable d’Enney, La Sieste, qui livre également ses cagettes à domicile (026 921 21 72) ainsi que Le petit marché de l’Intyamon, à Villarssous-Mont, où il est possible d’aller retirer ses commandes ou de se les faire livrer (026 928 10 11). De leur côté, Rumo Primeurs, Cuennet Fromages, La Crèmerie, la boucherie Pürro et la boulangerie aux Parfums des saisons proposent de passer commande pour leurs produits à un seul numéro (079 347 15 73) et livrent également à domicile. Le site www.terroir-fribourg.ch liste en outre toutes les offres «spécial pandémie» des producteurs locaux du canton. PR 

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