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Derrière la performance, l’atout science nommé Julien Bossens

Des derniers réglages sur les vélos à l’analyse des courses sur ordinateur, en passant par le débriefing avec les athlètes, le Gruérien Julien Bossens n’a pas chômé jeudi aux championnats d’Europe à Granges. PHOTOS JEAN-BAPTISTE MOREL
Quentin Dousse

Quentin Dousse

11 février 2023 à 06:00

Les championnats d’Europe de cyclisme sur piste se tiennent jusqu’à dimanche à Granges.

Reportage avec Julien Bossens, le scientifique de l’équipe de Suisse masculine de poursuite.

A 27 ans, le citoyen d’Epagny joue un rôle clé dans la qualification aux jeux Olympiques 2024.

QUENTIN DOUSSE, À GRANGES

CYCLISME SUR PISTE. Que le vélodrome de Granges porte le nom d’une marque horlogère de luxe est tout sauf un hasard. En cyclisme sur piste, le «milli» régit. Les médailles se jouent au millième de seconde et les réglages au millimètre. Une affaire de spécialistes sur l’anneau comme en son centre. Julien Bossens compte parmi les scientifiques qui se cachent derrière la performance. La Gruyère l’a rencontré à Granges, où se déroulent les championnats d’Europe jusqu’à dimanche. Immersion.

Le Gruérien d’adoption, 60 kilos tout hydraté, n’a pas le profil du pistard. Celui du parfait serviteur en revanche, si. Sa fonction exacte? Entraîneur national spécialisé dans le travail scientifique et d’analyse de la performance. Un titre obscur qui devient clair en compétition, la poursuite par équipes disputée jeudi en l’occurrence.

Au révélateur de l’ordinateur

Son boulot a commencé la veille après de décevantes qualifications. Sur son ordinateur, les histogrammes révèlent ce qui n’a pas fonctionné. Une défaillance physique ici, un relais manqué là, et une équipe désunie à l’arrivée. Julien Bossens dégaine alors ses analyses de données: temps au tour, puissance développée, cadence de pédalage ou encore qualité des passages de relais.

Chaque coup de pédale est disséqué et aussitôt (re)calibré pour davantage d’efficacité. «J’adore le fait de pouvoir tout calculer, comparer et pronostiquer de manière très simple (sic). Pour moi, la piste est clairement un laboratoire où chaque détail fait la différence. Comme à la Coupe de l’América en voile», illustre Julien Bossens.

On le retrouve au cœur du vélodrome soleurois, à deux heures du tour principal de la poursuite par équipes. Le résident d’Epagny ajuste et réajuste le moindre réglage des machines suisses, jusqu’à couvrir de scotch l’interstice de la valve du pneus pour éviter toute résistance à l’air. L’aérodynamisme, une science étudiée à l’université hier et développée en équipe de Suisse aujourd’hui. «Je travaille avec les partenaires matériel (vélo, combinaison, casque, etc.) sur tout ce qui améliore la performance.» Bien, mais insignifiant au regard de «l’armée» britannique opérant dans le box contigu.

Sur le coup de 13 h 30, l’équipe de Suisse féminine signe un deuxième record national en l’espace de vingtquatre heures. Bien, mais insuffisant pour contester le titre européen de la Grande-Bretagne. Les sourires des poursuiteuses helvétiques tranchent avec le visage fermé des hommes. Appelés à battre la Belgique pour lancer leur campagne olympique (lire ci-dessous). «Je suis tendu, mais confiant, souffle Julien Bossens. Au départ d’une poursuite, mon cœur bat quand même fort. C’est de l’adrénaline pure, c’est fou.»

«C’est chaud, là!»

De folies chronométriques il n’y aura pas de la part d’Alex Vogel, Valère Thiébaud, Claudio Imhof et Noah Bögli, loin du compte et du «quatre» belge en 3’57’’059 (7e final). Soupirs et hochements de tête côté suisse. «Ce n’est pas comme ça qu’on se qualifiera pour les Jeux», déplore le Gruérien de 27 ans. Dans les coursives du vélodrome, il refait les 4 km de poursuite avec Claudio Imhof, un taulier tétanisé par la pression d’évoluer à la maison. «C’est chaud, là! On n’a pas de quoi faire les malins. Comme coach, je dois comprendre ce qui a cloché. Je suis impatient d’avoir les réponses à mes questions.»

Pendant que les pistards se font masser à l’hôtel, Julien Bossens reprend les indicateurs de performance un par un. Plus de deux heures d’évaluation qu’il présentera le soir aux athlètes. L’esprit déjà tourné vers la prochaine manche de Coupe du monde à Jakarta. «Il faudra mettre les gaz», exhorte l’entraîneur diplômé en sciences du sport et de l’entraînement pour sportifs d’élite.

Le relais suisse peut compter sur Julien Bossens afin de se remettre en selle. Un homme «volontaire et optimiste» selon l’entraîneur en chef Mickaël Bouget, «posé et réfléchi» selon Valère Thiébaud, sur qui repose l’avenir de la poursuite suisse. Celui aussi de Julien Bossens par conséquent, un scientifique épanoui dans le monde du «milli». ■


«Les JO? Une aventure extraordinaire»

La contre-performance du «quatre» helvétique de poursuite cette semaine aux Européens ne change pas son objectif: les jeux Olympiques 2024. «Les JO me font clairement envie, s’enthousiasme Julien Bossens, les yeux brillants à l’évocation de l’événement. C’est une aventure extraordinaire qui prend une grande place dans mon quotidien. Je sais pourquoi je me lève chaque matin.»

Pour fêter une troisième participation consécutive aux Jeux, la Suisse doit intégrer le top 10 mondial d’ici le mois d’avril 2024. Ses principaux concurrents se nomment la Belgique et l’Allemagne, deux nations qui l’ont largement devancée jeudi à Granges. «Il faut remettre les compteurs à zéro et se réveiller», tonne le numéro deux helvétique Valère Thiébaud, 24 ans.

Le Neuchâtelois est rejoint par son entraîneur personnel Julien Bossens. Lequel reste positif malgré la difficulté de la tâche. «Je suis persuadé qu’on a le talent pour se qualifier. Il faudra rouler régulièrement en 3’51 ou 3’52 (n.d.l.r.: soit cinq secondes de mieux que jeudi). On a donc besoin de travailler, le scientifique en premier», sourit le Gruérien membre du VC Fribourg, conscient de son rôle à jouer pour vivre son premier rêve. Le deuxième? «Les Jeux en 2028, répond-t-il sans hésiter. Cette fois-ci en travaillant dès le début avec des juniors dans le but de performer à Los Angeles. Ce serait incroyable!» QD

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