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Sur les traces des malades et de leurs contacts

Xavier Schaller

Xavier Schaller

6 août 2020 à 07:00

PAR XAVIER SCHALLER

COVID. Six petites salles réparties autour d’un hall. Aux murs, des rappels de procédures, des cartes, des courbes, le nombre de cas journaliers de Covid-19. Et sept téléphonistes en attente. Lundi après-midi, c’est le calme plat au call center Covid-19 à Granges-Paccot.

Un calme exceptionnel selon Claude Bertelletto Küng, cheffe d’état-major Task force Covid et responsable du traçage des cas Covid du canton: «L’organisation est forcément flexible, puisque la situation peut changer d’heure en heure. Il y a une double incertitude: le nombre de cas journaliers et le nombre de contacts étroits pour chaque cas.» Et dimanche, seulement 60 tests ont été effectués sur les sites de l’HFR, pour un seul cas positif. «Les gens n’ont peut-être pas eu très envie de se faire tester le jour de la Fête nationale ou avant de partir en vacances, estime Claude Bertelletto Küng. Cela ne signifie pas pour autant que le virus circule moins.» Un membre de la cellule de renseignement l’interpelle au sujet d’une entreprise. Un peu d’action en vue? «Pour le groupe qui a été renvoyé à la maison, c’était une angine.» Tant mieux pour le canton et tant pis pour le reportage.

Le traçage a débuté en mai, sur demande de la Confédération. «Quand une personne se fait tester, le résultat arrive dans la banque de données de la Confédération.»

Cuisiner le malade

Les cas positifs sont ensuite signalés aux cantons. A Fribourg, ce sont les infirmiers de la Ligue pulmonaire qui reçoivent l’information et prennent contact avec les malades. «Chaque canton s’organise comme il l’entend. Fribourg a choisi de profiter des compétences de la Ligue pulmonaire et l’a mandatée pour ce travail. Dans d’autres cantons, ce sont des civilistes.»

Lundi, Jean-Daniel Roth est à ce poste: «J’étais déjà habitué aux enquêtes de dépistage, mais concernant la tuberculose. Une maladie qui provoque 1,3 million de morts chaque année dans le monde et qui est aussi présente chez nous.» Avec la Covid, la procédure d’isolement des malades prend une heure à une heure et demie.

Avec de nombreuses questions administratives et médicales: données personnelles, employeur, médecin traitant, voyages ou manifestations, symptômes, etc. La personne doit ensuite établir la liste de ses contacts étroits, soit quinze minutes sans protection à moins de 1,5 m. «Elle peine souvent, surtout si elle est bien malade.» D’autant que la liste doit être complète et remontée jusqu’à 48 heures avant les premiers symptômes. Quand les personnes infectées ne peuvent pas fournir les coordonnées complètes des gens qu’elles ont côtoyés, des recherches sont faites, avec l’aide de la police si cela est nécessaire.

Expliquer et convaincre

Une fois la liste établie, l’équipe du call center entre en jeu. Composée principalement d’étudiants de la Haute Ecole de santé, elle téléphone aux personnes qui doivent observer une quarantaine. «Les appels durent une trentaine de minutes. Mais c’est un travail intensif, car il y a systématiquement des gens qu’il faut persuader», note Claude Bertelletto Küng. Pas facile d’annoncer, par exemple, à quelqu’un qui devait partir en vacances le lendemain.

Si l’étudiant n’y parvient pas – «ce qui est quand même assez rare» – l’infirmier superviseur rappelle. «Il gère aussi les situations compliquées. Comme celle d’une famille divorcée, avec la maman et les enfants en quarantaine d’un côté et le papa de l’autre. Des questions souvent très humaines, très sociétales dont il faut tenir compte pour que les gens vivent le mieux possible cette mesure.»

Si cela ne fonctionne toujours pas, une décision formelle peut être rendue. «La police va alors au domicile pour notifier la décision du Service du médecin cantonal. Là, en général, ça marche.»

Une fois la mesure mise en place, il y a des pointages ponctuels, ainsi que des appels de contrôle systématiques après cinq jours et avant de lever la quarantaine, après dix jours. «Des cas se déclarent lors des quarantaines. On voit qu’elles sont efficaces.»

Quarantaines collectives

Parfois, il n’est pas possible d’établir clairement les contacts étroits de la personne infectée. Des quarantaines collectives peuvent alors être ordonnées, comme le mardi 28 juillet, quand le Service du médecin cantonal a ordonné 240 quarantaines à la suite d’un seul test positif. La personne infectée avait fréquenté trois clubs et bar sarinois les jours précédents.

«Nous aurions beaucoup moins de travail si les gens respectaient scrupuleusement les gestes barrières et utilisaient l’application SwissCovid, souligne Claude Bertelletto Küng. Avec un traçage plus fin et plus ciblé, nous éviterions notamment les quarantaines collectives.» ■


Important de faire des contrôles

Est-ce que la situation est gérable actuellement, au niveau du traçage? Claude Bertelletto Küng (photo), responsable du traçage des cas Covid du canton. 

Oui. Nous utilisons quatre lignes sur les 18 disponibles. Nous tournons à plus haut régime quand cela est nécessaire. C’est surtout la hotline qui a eu davantage d’appels ces derniers temps. Elle répond à tous ceux qui ont des questions: des personnes en quarantaine ou en isolement, des citoyens lambda, des institutions, des écoles, un autre canton… Ce sont les mêmes étudiants qu’au call center. Ils naviguent entre les deux pour connaître les deux aspects. Le canton compte une hospitalisation aux soins intensifs et aucun cas Covid en EMS. Durant la crise, c’étaient les deux critères déterminants. Aujourd’hui, ils ne nous aident pas beaucoup. On voit que la Covid touche actuellement une autre frange de la population (un cas positif lundi, cinq mardi et huit hier).

Est-ce que de nouvelles mesures sont prévues pour le suivi?

Pour la quarantaine collective de mardi passé, nous avions deux établissements qui devaient tenir des listes. Nous avons vu que la qualité de ces listes n’est pas suffisante. Nous avions demandé que ce soit lisible et traçable. Apparemment, nous n’avons pas tous la même notion du lisible et traçable.

Nous devons avoir d’autres exigences par rapport à ces listes: il faut des listes digitales et qu’un contrôle soit effectué au niveau de l’identité et du numéro de téléphone.

Cela ne devient-il pas trop contraignant?

A un moment donné, si on veut laisser ouvert ces lieux, il faut faire un choix. Celui de Genève a été facile: tout a fermé. Pour éviter d’en arriver là, nous irons jusqu’à la limite de ce qui nous permet un suivi sérieux.

Samedi, l’OFSP va mettre à jour la liste des pays à risque, en y incluant l’Espagne. Qu’en est-il des Fribourgeois qui reviennent de ces pays?

Ces gens doivent s’annoncer. Une annonce spontanée mais obligatoire, via un formulaire online. Des contrôles aléatoires sont mis en place par la DSAS, notamment par rapport à des listes d’avion et de noms que nous recevons de l’OFSP. Nous appelons aussi cinq à dix noms par jour qui sont sur ces listes.

Pour ces quarantaines comme pour les autres, il est important que les gens sachent qu’il y a des contrôles et que nous avons une possibilité de faire respecter la décision. Même si aucune amende n’a été prononcée jusqu’à présent pour non-respect de la quarantaine. XS

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