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Un spectacle et une vente hors du commun à Maules

Valentin Castella

Valentin Castella

24 décembre 2019 à 06:00

PAR VALENTIN CASTELLA

Les gens sont debout, plus aucune place n’est disponible dans la grande cantine montée pour l’occasion. Devant la scène, entre le bar et le snack où s’affairent une dizaine de cuisiniers bénévoles, ils sont peut-être 800 ou 1000 à assister à un événement peu commun. Samedi soir à Maules, à quelques pas de la ferme du maître éleveur Pierre Oberson se déroulait une vente aux enchères de vaches organisée par l’hôte et quatre autres amis agriculteurs (lire ci-dessous). Des acheteurs venus de toute l’Europe, mais aussi beaucoup de paysans de la région, ont investi le village gruérien. Certains, la plupart, sont présents pour «voir le spectacle et de très belles bêtes», comme l’explique un paysan de Rougemont. D’autres ont fait le déplacement de Suisse alémanique, de France, de Hollande ou d’Allemagne pour repartir avec, peut-être, une future reine qui brillera lors de concours internationaux.

A coup de 500 francs

Le concept est simple. «Comme à la télévision», décrit un participant. Encouragées par les applaudissements, le jeu de lumière et la musique, les vaches défilent sur la scène. Dans la cantine, les potentiels acheteurs lèvent la main pour faire augmenter les enchères. Le spectacle est hallucinant, stressant même pour les personnes non initiées à la manœuvre. La première mise se situe à chaque fois à 2000 francs. Puis 2500 francs, puis 3000… A coup de 500 francs, la valeur de la vache grimpe en flèche grâce à la maîtrise et à la vitesse d’un crieur. La cote de certains «lots» est telle que les mises peuvent grimper jusqu’à plus de 10 000 francs. En trois minutes seulement.

Tout va très vite, les vaches dénichent un nouveau propriétaire en un instant. Pas le temps d’observer la bête. Chaque participant sait pourtant exactement ce qu’il désire. Comment? «En ayant consulté le catalogue avant de venir», explique un éleveur français. D’autres sont arrivés avant le début de la vente, afin de voir les bêtes exposées dans la ferme de Pierre Oberson.

L’euphorie du moment

Alban Magnin, éleveur en Haute-Savoie, est venu à Maules en compagnie d’amis, également actifs dans ce secteur d’activité. «Comme nous participons à de nombreux concours, nous connaissons les organisateurs. Nous savons que leurs vaches sont de grande qualité. Le seul détail que nous ne maîtrisons pas, c’est le porte-monnaie.» Effectivement, les mises peuvent grimper en seulement quelques secondes, d’autres fois un peu moins rapidement. «Nous nous sommes fixé un budget, reprend le Haut-Savoyard. Mais, parfois, l’euphorie du moment nous emporte et nous nous permettons de déborder. Si la vache nous plaît vraiment, nous l’achetons à plusieurs et nous nous partageons ensuite la vente des embryons.»

Alban Magnin l’avoue: il n’est pas venu à Maules uniquement pour saluer la famille Oberson. «Bien sûr, nous aimons les vaches. Mais il ne faut pas cacher qu’il s’agit d’un business, qu’un tel achat est considéré comme un investissement sur le long terme. Nous achetons l’animal, mais également son pedigree, ses origines.»

«Culture de la vache»

En terminant son verre de rouge, il ajoute que ce type de manifestation est également l’occasion de côtoyer d’autres éleveurs. «Il n’existe aucune frontière. Nous nourrissons tous la même passion. Et puis, nous apprécions particulièrement la Suisse, un pays qui possède une culture de la vache. Ce qui n’est pas le cas en France. Regardez dans la ferme où sont exposés les animaux: des bénévoles s’en occupent. Ils sont charpentiers, mécaniciens, mais ils connaissent les bêtes. Chez nous, seulement les agriculteurs peuvent en aider d’autres et se passionnent pour ce métier.»

A voir le monde présent samedi soir à Maules pour assister au défilé de la cinquantaine de vaches, personne ne peut lui donner tort. ■


L’exception romande

«On s’attendait à accueillir beaucoup de monde. Mais pas à ce point! Nous avons dû recommander des boissons et de la nourriture, car nous étions en rupture de stock.» A l’heure du bilan, Pierre Oberson ainsi que ses amis éleveurs qui ont mis sur pied cette manifestation avaient encore de la peine à y croire, tant leur soirée a été couronnée de succès. «Tout s’est très bien passé. Nous avons vendu nos 46 bêtes, avec une moyenne de 7500 francs chacune.»

De quoi envisager une deuxième édition? «On va attendre la fin des fêtes pour en discuter. Mais pourquoi pas?» Si les agriculteurs n’ont pas encore confirmé l’organisation d’une deuxième vente aux enchères, c’est qu’ils ont abattu un immense travail pour accueillir autant de monde et des vaches de qualité provenant de leur exploitation et d’ailleurs en Suisse. Et qu’il va falloir récupérer avant de repartir pour une nouvelle aventure. Des mois de préparation ont en effet été nécessaires pour concrétiser cette idée survenue l’année dernière au terme de la fête célébrant le titre mondial de Lotanie, la championne de Pierre Oberson. «Nous avions envie de partager le fruit de notre travail, afin que d’autres éleveurs puissent en profiter, tout en permettant au public de voir de belles vaches», reprend Pierre Oberson.

En Suisse, les ventes aux enchères organisées à titre privé ne sont pas légion. «Une existe en Suisse alémanique. En Suisse romande, la nôtre est la seule.» Une exception au budget de 40 000 francs qui avait tout d’une grande manifestation, avec la participation de huitante bénévoles et la mise en place des normes sanitaires de circonstance. «Comme dans toutes les expos, nous avons fait attention au confort des vaches et réalisé les tests concernant la BVD (n.d.l.r.: diarrhée virale bovine)», conclut Pierre Oberson. VAC

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