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Une valise d’outils connectés pour consulter à distance

Le projet de télémédecine était préexistant à la crise actuelle. «Mais il a totalement changé sa vitesse de mise en œuvre», souligné le Dr Ronald Vonlanthen, directeur médical de l’HFR et chef de la cellule de conduite de l’HFR. En trois semaines, on a fait de grandes avancées.» PHOTOS THOMAS DELLEY

PAR SOPHIE ROULIN

La télémédecine fait désormais partie des outils à disposition de l’HFR dans sa lutte contre le coronavirus. En trois semaines, l’hôpital et de nombreux partenaires dans le canton et au-delà ont mis sur pied un projet pilote qui permet une prise en charge médicale à distance, mais avec tous les instruments indispensables au diagnostic. Il était présenté hier à la presse, dans les locaux de l’HFR.

Si la consultation se déroule via écrans interposés, le patient n’est pas pour autant seul chez lui. Plutôt que le médecin se déplace, c’est un assistant qui part valise à la main vers le patient. Car tout tient dans une valise: stéthoscope électronique pour l’auscultation du cœur et des poumons, caméra pour observer le fond de gorge, les oreilles et la peau, thermomètre, tensiomètre… Et tout est connecté.

Ainsi, le médecin qui se trouve devant son écran dans les sous-sols de l’HFR dispose des données essentielles pour poser un diagnostic. Il peut converser avec le patient et demander des analyses supplémentaires à son assistant. Les résultats de ces analyses, les notes du médecin et ses éventuelles ordonnances sont conservés dans le système de l’HFR, hautement sécurisé.

Sur mandat de l’OCC

Avec cette consultation à distance, ni le patient ni le médecin ne prennent le risque de se côtoyer et donc de se contaminer. Une solution bienvenue en période de coronavirus, notamment pour les personnes fragiles et à risque.

C’est d’ailleurs pour protéger ces populations vulnérables que l’Organe cantonal de conduite (OCC) et l’Organe cantonal de santé (OCS) ont mandaté l’HFR afin de mettre en place cette solution de télémédecine. Le projet était préexistant à la crise actuelle. «Mais cette dernière a totalement changé sa vitesse de mise en œuvre, a souligné le Dr Ronald Vonlanthen, directeur médical de l’HFR et chef de la cellule de conduite de l’HFR. En trois semaines, on a fait de grandes avancées.» Et de louer le soutien et la collaboration du Service de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, de la Haute Ecole de santé (Heds) et de ses étudiants, des médecins fribourgeois et de l’assurance Santé24, grâce à laquelle un accord a pu être trouvé avec l’entreprise israélienne qui commercialise les instruments de diagnostic connectés.

Les étudiants impliqués

Pour ne pas prélever des forces dans le personnel soignant actif, les assistants qui se rendent chez les patients sont actuellement des étudiants de la Heds. Ils ont été formés, notamment aux précautions à prendre face au coronavirus pour eux-mêmes, valise et son contenu à l’issue de la consultation.

«Trois niveaux d’engagement ont été réfléchis pour ce service de télémédecine, explique Christophe Bosteels, chef du projet. Le premier, qui est l’actuel, permet une dizaine de consultations par jour. Avec le deuxième, on atteindra 50 à 60 consultations journalières. En cas de crise aiguë, on pourrait aller jusqu’à 200.» Au total, le service de télémédecine de l’HFR s’est équipé de 20 valises.

Vers l’hôpital de demain

Ce nouveau service n’est pas accessible à tout un chacun. A disposition de l’OCC, il est pour l’heure réservé aux institutions à risque, services de soins à domicile et médecins traitants. Une phase test a été lancée le 7 avril auprès d’institutions pilotes. «La rapidité du système a été louée, indique Carl-Alex Ridoré, préfet de la Sarine, à la tête du Groupe institutions à risque. Nous sommes convaincus que ce sera une solution complémentaire intéressante pour les EMS et les soins à domicile.»

Dédié actuellement au coronavirus, ce service de télémédecine perdurera après la crise. «Il nous permettra d’assurer un meilleur suivi de nos patients après des opérations ambulatoires ou de rendre plus facile le suivi de maladies chroniques, détaille le Dr Ronald Vonlanthen. C’est un pas dans la direction de la vision 2030 de l’hôpital.» ■


Des freins à la télémédecine

Historiquement, la télémédecine existe depuis 1920. Une première licence radio est alors accordée pour les soins aux marins. Les autres technologies se sont, elles aussi, fait une place dans la médecine au fil du temps. Et elle n’échappera pas à la digitalisation et à la numérisation.

«Pour l’instant, la téléconsultation est assez peu développée, notamment dans les hôpitaux», relève le Dr Jean-Gabriel Jeannot. Spécialiste en médecine interne et passionné par le monde numérique, il donne des formations à ses pairs dans le domaine, notamment sur la télémédecine. «L’épidémie de coronavirus change la donne, poursuit le Dr Jean-Gabriel Jeannot. Avec les restrictions actuelles liées à la maladie, parfois la téléconsultation devient la seule option. C’est donc mieux que rien.» Le problème, c’est que certains médecins doivent s’y mettre sans formation ad hoc. «Le milieu académique ne s’y intéresse pas», s’étonne le médecin.

C’est que des réticences existent tant au sein de la population que de la profession. «Il existe un sentiment, un a priori, qu’une consultation à distance est forcément de moins bonne qualité, ce qui n’est pas le cas en respectant certaines pratiques.» Autre frein important: la LAMal ne reconnaît et ne rembourse que les consultations téléphoniques. «Il y a encore du chemin à faire pour que les courriels, les visioconférences et autres puissent être facturés avec Tarmed. Cela freine la mise en place de certaines technologies et c’est regrettable pour les patients qui auraient besoin de telles prises en charge. Mais si des hôpitaux s’y mettent, peut-être que cela aidera à faire avancer les choses.»

En attendant, l’HFR ne pourra effectivement facturer ses prestations de télémédecine que comme des téléphones, confirme Christophe Bosteels. SR

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