L’ancêtre du papier peint mis à l’honneur

Le Musée du papier peint consacre sa nouvelle exposition au papier dominoté. Un ancêtre du papier peint qui habillait livres et registres, principalement entre 1750 et 1800.

ÉLODIE FESSLER

MÉZIÈRES. En 2020, la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) déplaçait 2 millions de livres sur le site romontois de Tetra Pak, le temps d’agrandir son site central à Fribourg. Lors d’une journée portes ouvertes, la directrice du Musée du papier peint Laurence Ansermet a son regard attiré par un ouvrage recouvert de papier dominoté, l’ancêtre du papier peint.

Cette rencontre a finalement donné lieu à la nouvelle exposition temporaire du musée situé à Mézières, intitulée Parure en dominos, à découvrir jusqu’au 11 juin. L’institution met à l’honneur le papier dominoté grâce à des prêts de la BCU, des Archives de l’Etat de Fribourg, du Musée d’art et d’histoire, des Archives de la ville de Romont et de collectionneurs privés.

Aussi appelé domino, le papier dominoté est fabriqué dès le XVe siècle. Imprimé et confectionné à la main par des dominotiers, il mesurait généralement 32 x 42 cm et recouvrait l’intérieur de certains meubles. Les artisans ont voulu développer leur art sur les parois, mais ont rapidement été dépassés par la concurrence outre-Manche et ses papiers peints en rouleau. La commissaire de l’exposition Astrid Kaiser se réjouit toutefois de pouvoir présenter un exemple de papier dominoté habillant une grande surface: un plafond de bois provenant d’une demeure zurichoise. «Nous sommes très contents de pouvoir le montrer, c’est assez exceptionnel.»

Art populaire

L’âge d’or du domino a lieu entre 1750 et 1830. On l’utilise pour habiller livres et documents divers qui arrivaient sous forme de feuilles volantes chez les libraires. «Ceux-ci devaient les relier et leur mettre une couverture provisoire en carton comme protection. Pour les rendre attractifs, ils ont alors opté pour du papier dominoté, plus charmant et coloré qu’un carton de protection.» Son prix était aussi avantageux, contrairement, par exemple, aux reliures en cuir.

Concrètement, les contours des motifs étaient imprimés en noir à partir d’une planche en bois gravée, puis les couleurs étaient appliquées au pochoir. «En général, ils étaient fabriqués par des petits ateliers familiaux. C’était un art populaire, mais qui a séduit autant la clientèle rurale que citadine.» Jusqu’à 10 000 pièces pouvaient être produites pour un motif, repris d’un fabricant à un autre. Difficile dès lors d’attribuer un modèle à un atelier en particulier.

Les dominos n’ont aucun lien avec les ouvrages qu’ils habillent. En témoigne une série d’abrégés religieux fribourgeois de la deuxième moitié du XVIIIe siècle recouverts de motifs ornementaux et floraux. Des livres italiens de poèmes héroïques, des registres de notaire et un domino en entier sont aussi à découvrir au fil des salles du musée. Cousins du papier dominoté, les papiers marbrés, à la colle ou gauffrés ont aussi droit à une place dans l’exposition.

L’ancêtre du papier peint a disparu peu à peu avec l’arrivée de l’industrialisation de l’imprimerie. Parure en dominos se veut être une exposition «rare et unique», souligne Astrid Kaiser. «Ce sujet est peu étudié. Ce que je ne trouve pas mérité, car c’est un art charmant, attendrissant et frais. A travers cette exposition, nous voulons rendre les gens attentifs de son existence.» ■

Mézières, Musée du papier peint, jusqu’au 11 juin. museepapierpeint.ch